Le ciel est bleu et le soleil brille. La température s’annonce estivale comme hier. Nous allons à la gare où nous achetons des billets de train aller-retour pour Murcia, distante d’une cinquantaine de kilomètres. Nous payons dix-huit euros à l’agent qui nous vend les titres de transport. Sur le quai, une file d’attente se constitue derrière nous. Les billets sont contrôlés avant l’embarquement. Je monte à bord la valise-cabine d’une jeune fille en surpoids qui peine à grimper les trois marches hautes. Un jeune homme en sweat-shirt blanc qui s’installe dans notre compartiment effectue un tour de magie. Les deux sièges bleus devant lui, positionnés dans le sens de la marche, se voient soudain positionnés dans l’autre sens, créant de la sorte un carré pour quatre voyageurs en vis-à-vis. Je fais de même avec les deux dossiers devant moi qui deviennent des sièges en me donnant plus de place pour mes jambes ; étonnant ! Le train part à l’heure à dix heures trente. Des champs de cultures à perte de vue se dévoilent : pommiers, orangers, citronniers… Nous constatons dans nos périples en Espagne que le pays est autonome au niveau alimentaire contrairement à la France. Dans les supermarchés, la quasi-totalité des fruits et légumes proviennent de l’Espagne. Le premier arrêt s’effectue à Torre-Pacheco. Plus avant, des serres abritent des mandarines, des haricots, des courges Butternut… Des cultures de pommes de terre, d’artichauts, entrent dans la diversité cultivée. Des mini serres presque au raz du sol maintiennent l’humidité née à la tombée de la nuit et à l’aurore avec la rosée. Le second arrêt lève le voile sur le village de Balsica-Mar Menor avec un haut château d’eau circulaire au bord des voies posé sur une tourelle en briques. Il est dépassé en taille par un palmier à la ramure ébouriffée par le vent. Des oiseaux trouvent à s’abriter du soleil sous la cuve posée sur des tréteaux. Plus avant, des maisons en pierres en ruines se signalent dans les cultures. Les kilomètres défilent. Des oliviers, à perte de vue aussi, occupent le paysage montagneux en arrière-plan. Des amandiers, en fleurs pour certains, s’accaparent une vallée quelque peu désertique. Nous arrivons à destination à onze heures trente-cinq. Une partie des voies est en construction pour accueillir les trains à grande vitesse. Un arbre magnifique domine la rue devant la gare. Nous partons à la découverte de la ville de Murcie.
En chemin, une dame assise devant la pâtisserie salon de thé Espinosa,
un fichu sur la tête, m’offre un grand sourire. Je lui donne une aumône. Nous
arrivons à l’entrée du Jardín Floridablanca. Un personnage en bronze coiffé
d’un chapeau pointu retient l’attention. Il s’agit d’un Nazareno Colorao [Nazaréen de la Confrérie du Sang]. Le jardin est
dédié à l'illustre murcien Don José Moñino y Redondo, comte de Floridablanca,
ministre des rois Carlos III et Carlos IV, président du Conseil suprême de
Murcie et du Conseil central suprême. Nous entrons dans le jardin. Nous passons
devant le monument
au comte de Floridablanca réalisée par Santiago Baglietto dans la première
moitié du dix-neuvième siècle. En arrière-plan, l'Iglesia del Carmen se
souvient. Nous traversons le site enchanteur ombragé par la ramure d’arbres
vénérables dont les racines apparentes de certains sont spectaculaires, comme
celles d’un ficus dont l’enchevêtrement est fascinant. Des personnes assises
sur les bancs en bois de l’allée centrale profitent d’un temps de farniente. A
proximité, un édifice en briquettes roses dévoile une loggia à colonnade sous
toiture qui surmonte un premier niveau superbe d’architecture construit sur des
arcades. Nous atteignons la mairie qui a pris place dans un magnifique bâtiment
historique rose et blanc dont le fronton triangulaire à horloge posé sur des
colonnes me rappelle celui de l’hôtel de ville de Hill Valley de la trilogie « Retour
vers le futur ». Nous suivons la calle del Arenal qui nous mène sur la
place del Cardenal Belluga où trône la vertigineuse et somptueuse cathédrale baroque
de Murcie, dotée de bâtiments contigus rivalisant de beauté. La construction s’est
déroulée sur une centaine d’années, entre le quatorze et quinzième siècle. La
hauteur de son clocher doit avoisiner les cent mètres. Devant l’entrée
principale, un homme barbu, assis sur une chaise pliante au placet rouge, joue
de l’accordéon en chantant d’une voix de ténor. Nous flânons dans la calle
piétonne Trapería. Nous passons devant l’ancien casino, un splendide
bâtiment éclectique où les arcs d'arabesques se mêlent au style néoclassique
français. La chance nous offre de rencontrer des géants, précédés d’un
orchestre, qui défilent fièrement dans leurs superbes atours. Sur la place de
Santo Domingo, je m’émerveille devant le ravissant belvédère aux colonnes
ioniques dont le dôme orné d'écailles argentées coiffe l’angle de la Casa
Cerdá, un bâtiment historique dont la rénovation est une magistrale réussite.
Des pots étagés en hauteur sur plusieurs niveaux forment divers demi- cercles du plus bel
effet. Plus avant, nous nous attardons devant la façade de caractère rosée de
l’université qui abrite
la Faculté de Droit et la Faculté des Lettres dont le campus fut
inaugurée en 1935 dans un bâtiment chargé d’histoire qui accueillit notamment
un couvent et une fabrique de soie. Autre part, sur la place de l’Europe, les
grandes lettres « Murcia Primavera » interpellent par leur présence sur une
esplanade devant un bâtiment moderne. Nous traversons la plaza Jose Maria
Falgas où une impressionnante fresque semble rendre hommage au peintre à qui la
place est dédiée. L’eau d’une fontaine design coule sur un muret rose vif dans
un bassin triangulaire noir. Sur la proche place Santa Eulalia, le festival «
Mas Santa Eulalia Arte » bat son plein. Le groupe de gospel Laura Russin qui se
produit sur une estrade est ovationné. Dans le cadre d’un concours de peinture,
un jeune artiste peintre s’active sur une toile posée sur un chevalet dont
l’œuvre en cours représente l’église de la place.
Nous déjeunons en terrasse à treize heures au restaurant végétarien « La Terraza del Girasol ». La température est estivale. Nous optons de concert pour une onctueuse crème de petit pois et pour une Timbal de cremoso de patata y bigos polaco, con chucrut, setas, ciruelas pasas y tofu ahumado, une timbale à base de pomme de terre, choucroute et champignon. Les mets sont succulents. La vaisselle colorée en porcelaine vient de Turquie. De l’eau pétillante Vichy Catalan et une manzanilla accompagnent le repas. Une heure plus tard, toutes les tables de la terrasse sont occupées. La dame aux cheveux argentés qui s’occupe de nous parle quelques mots de français. Patrick déguste en dessert un gâteau à l’orange et à la caroube. Je savoure une part de gâteau à la carotte et aux noix nappé de chocolat noir. Les deux gâteaux ont été réalisés avec de la farine de riz. Le repas se termine après quatorze heures trente. Nous allons flâner dans le centre ville. Je m’attarde devant le pub irlandais « Fritzpatrick’s » ouvert en 1997. Autre part, le « Teatro de Romea » dévoile sa superbe élégance. Nos pas nous conduisent ensuite au grand magasin El Corte Inglés de la ville. Après une courte visite, nous voyons un panneau publicitaire sous lequel la température s’affiche à 32 degrés. Nous poursuivons notre flânerie. Des fresques variées se dévoilent un peu partout dans le centre-ville ; je prends en photo celles qui me « parlent ». Un des murs du restaurant d’angle pasta y pizza « La Pierotti Fratello’s » sur la calle Enrique Villar surprend agréablement par sa créativité colorée et ludique. A proximité, un édifice religieux dresse dans le ciel bleu une surprenante et attrayante façade surmontée de deux tourelles carrées. Je m’attarde à nouveau devant le superbe belvédère que je reprends en photo sous un autre angle. Nous passons devant des religieux prosélytiques endimanchés à l’ombre de leurs croyances dysfonctionnelles qui guettent leurs proies en souffrance ou en deuil pour les manipuler et les embrigader dans leur secte. Nous effectuons une pause sur la place Joufre à la terrasse de chez Caffeto. Un cappuccino et une manzanilla sont sirotés. Les minutes passent agréablement. Patrick regarde défiler les passants. D’autres minutes, plus tard, nous voient acheter trois paires de chaussettes pour neuf euros au magasin Citees sur la calle Platería. Carmen nous accueille à la caisse. Nous avons déjà visité le point de vente de Cartagena. La Plaza Santa Catalina nous offre d’admirer un Phénix et un homme dans le ciel sur la coupole coiffant le bâtiment qui abrita durant des décennies « La Unión y el Fénix », une importante compagnie d’assurance, fondée à Madrid en 1864 (intégrée à la fin du siècle passé dans le groupe Allianz) qui se diversifia dans de nombreuses activités. Dans une cinquantaine de villes en Espagne, la compagnie possédait un bâtiment toujours surmonté de son emblème : un beau jeune homme assis gracieusement sur l'une des ailes d’un Phénix et levant un bras en l'air. Ce jeune homme, source d'avenir, arrête les vents et salue les hommes. Nous avions déjà admiré cette composition sculpturale à Madrid. A la terrasse du café El Secreto, une jeune fille fête ses vingt-et-un ans avec une vingtaine d’autres jeunes filles. Nous arrivons quand le gâteau d’anniversaire parvient devant l’heureuse récipiendaire avec trois bougies « feu d’artifice » juste allumées. Des cris de joie et d’admiration accueille le gâteau. Une fresque séduisante de l’artiste Laura Goce, représentant une femme murcienne entourée de fleurs, attire l’attention sur la partie haute d’un immeuble. Sur la place voisine, la plaza de Las Flores, Patrick me prend en photo à côté de « La niña de la flores », une sculpture en bronze de l’artiste José Fuentes Aynar. Assise depuis le vendredi 4 mars 2011 sur le bord de la fontaine jaune clair centrale de la place avec un bouquet de fleurs dans les mains, la jeune fille apprécie la présence de deux colombes à ses pieds qui lui tiennent compagnie. Plus avant, à l’angle des rues Arzobispo Simón López et Jara Carrillo, j’admire deux balcons en encorbellement superposés. Nous nous dirigeons vers la mairie pour prendre le chemin du retour.
Nous nous
perdons en chemin. Le gps de l’iPhone de Patrick nous guide alors efficacement. Nous
passons devant des fontaines cubiques en enfilade où je vois deux hommes,
probablement sans domicile, qui se sont installés tant bien que mal à proximité.
Un des deux hommes remplit une bouteille d’eau dans une fontaine. Je m’attarde
un instant devant la Pasarela Malecón (également appelée passerelle Manterola,
du nom de l’ingénieur qui l’a conçue) qui enjambe le fleuve Segura traversant
la ville. Il s'agit d'un pont piétonnier à haubans en semi-harpe aux allures de
voilier d’une soixantaine de mètres de long sur six mètres de large doté d'un
mât de quinze mètres de haut riche d’une trentaine d’entretoises en acier. Une
vingtaine de minutes plus tard, nous sommes dans le buffet de la gare. Nous
sirotons une camomille avant de prendre le train de dix huit heures
dix. Au pied des deux ascenseurs, une employée nous guide avec deux jeunes
filles vers le quai le long de la passerelle aérienne. Le train part à l’heure. A mi-chemin, Patrick voit le long des voies, sur une
longue distance, la Hacienda Riquelme, un complexe immobilier lié à un club de
golfe riche de nombreuses constructions blanches similaires coiffées de
tourelles carrées. En guise de dîner, nous croquons chacun une grosse pomme
rouge de Blanche-Neige, privée de maléfice magique, achetées sur le retour dans
un des nombreux magasins de fruits et légumes de Murcia. Le train entre en gare
de Cartagena à dix-neuf heures dix. Une dizaine de minutes plus tard, après
plus de seize mille pas et près de neuf kilomètres parcourus, des sourires échangés dans
Murcia, nous arrivons chez nous...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire