Une promenade ensoleillée sous le ciel bleu nous offre de découvrir les Nécropoles de Terre Cabade et Salonique, le plus grand cimetière de Toulouse couvrant un vaste quadrilatère de plus de trente hectares qui accueille quelque cinquante mille tombes et caveaux, dont certains sont à la démesure de la grandeur, toute relative et subjective dans le flot du temps, de certaines familles, comme celui de la famille Ducis. Nous entrons par la Porte de la Colonne, et c’est le premier mausolée qui se présente à nous.
Ce mausolée en marbre noir des époux Ducis, morts sans descendance, se montre fastueux et surprenant. Ils firent don à la ville de leur fortune avec notamment comme condition de leur édifier une dernière demeure digne de leur parcours de vie. Pierre fut artiste de théâtre à Toulouse, Jeanne était fille d’un directeur de salle. Ils devinrent avec les années gérants des Casinos de Nice et de Menton, et propriétaires du Casino d’Enghien. Philanthropes, comme il se doit, ils fondèrent diverses œuvres dont la pouponnière Jeanne Ducis et la maison de retraite Pierre Ducis au château de Casselardit. L’imposant mausolée noir d’ébène dans lequel ils reposent a remplacé un caveau plus modeste où reposait le squelette décapité d’un mortel énigmatique.
Nous
déambulons au hasard des allées. Une citation de Federico García Lorca se
dévoile sur un monument funéraire : « Rien
n’est plus vivant qu’un souvenir ». Autre part sur une tombe, un livre est ouvert à la
page : « A ma jolie
maman ». Le long d'une autre allée, je vois que Fabienne Laurès est morte à 21 ans en 1986 ; mystère des
chemins de vie ! La chapelle de la famille Pauilhac-Marsan, devenue
richissime grâce à son partenariat avec
la famille Bardou dans la vente de papier à cigarettes de la fameuse marque
Job, évoquée précédemment sur le blog, est noyée dans la multitude. Quelque
part dans le cimetière, se trouve la tombe de Urbain Vitry, architecte et
sculpteur, qui fut à l’origine du renouveau de l’enseignement de l’architecture
à Toulouse. Son œuvre, dite immense, marqua la physionomie de Toulouse au dix-neuvième
siècle et au-delà. Outre le cimetière où il repose, il réalisa des bâtiments
communaux, comme les abattoirs (maintenant musée d’art contemporain),
l’observatoire de Jolimont et l’amphithéâtre de l’école de médecine (aujourd’hui
Théâtre Daniel-Sorano). Urbain est à l’origine de la majestueuse entrée du cimetière flanquée de deux obélisques et ornée de deux pavillons symétriques à colonnades
et chapiteaux palmiformes réalisés en briques taillées : un parfum d’Egypte à
Toulouse ! Adossée à un arbre vénérable, la stèle « Savanac » serait
celle de la première personne enterrée au cimetière le jeudi 16 juillet 1840… En
décalage temporel, se trouve aussi la stèle de Dominique Baudis, qui fut maire
de Toulouse de 1983 à 2001.
Joseph Malaret, un autre maire dont la dépouille demeure dans le cimetière, fut
l’arrière-grand-père des « Petites Filles Modèles », Camille et Madeleine de
Malaret. Paul, son petit-fils, épousa Nathalie de Ségur, fille de la célèbre Comtesse...
Autre part, dans une autre allée du temps, un murmure évoque la vie de Georges Ancely
(1847-1919), un photographe issu d’une famille de joaillier de Toulouse qui prit
un très grand nombre de clichés de la ville et des communes environnantes et
qui donna naissance à un véritable patrimoine photographique unique. Nous
remarquons que l’impermanence se rit des nombreuses concessions perpétuelles où
certains caveaux sont proches de rendre l’âme au regard de leur dégradation due
au passage des années. Nous nous attardons devant le vestige d’un imposant portique
à colonnade romain semi circulaire édifié en mémoire de l’ariégeois Aristide Berges,
communément appelé « le père de la houille blanche ». Il serait le premier à avoir
utiliser la force de l’eau pour produire de l’électricité. Ce sanctuaire
antique, une œuvre de Olivio Chiattone de Lugano, s’illusionne de se voir
rénové. Nous sortons du cimetière par la porte du Chat Noir. Nos pas nous
mènent au Jardin de l’Observatoire. Nous entrons ensuite dans le Jardin Félix
Tissérand où trône la colonne d’Urbain Vitry, inaugurée en 1839, qui commémore
la bataille de Toulouse du 10 avril 1814. Après quelque cinq kilomètres de
marche, encore vivants, nous revenons tranquillement dans notre chez nous
temporaire…
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