jeudi 18 novembre 2021

Il y a 10 ans, le vendredi 18 novembre 2011, Claudius, le père d'André, faisait sa dernière danse avec la mort...

 

Mardi 22 novembre 2011

Sépulture de Claudius Vuargnoz

 Paroles de l'Ecclésiaste, fils de David, roi de Jérusalem, chapitre 1, verset 3 : « Quel avantage revient-il à l'homme de toute la peine qu'il se donne sous le soleil ? Une génération s'en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours. Le soleil se lève, le soleil se couche; il soupire après le lieu d'où il se lève de nouveau. »

 Ainsi est le cycle de la vie...

 Oui ! de ses 86 ans, Claudius en a vu des générations venir puis s’en aller. Il a vu de nombreux levers de soleil et presque autant de couchés. Car Claudius et la mort, c’est une longue histoire.

 La première fois qu’il l’a rencontrée, il était encore un enfant. C’était aux Macherets, à Habere-Lullin… à côté de la ferme familiale coule une rivière. Un de ces nants de montagne, tumultueux et froid. Ce jour-là, Claudius a failli s’y noyer. Malgré la torpeur et la glace qui le saisissaient, trempé jusqu’aux os, il réussit à s’extirper de ce flot glacial « tiré comme par miracle hors des eaux » comme il le disait avec ses mots simples et parfois excessifs. Cet épisode a profondément marqué Claudius. Tout mouillé, grelottant de froid, il court se réchauffer à la cuisine, la peur d’attraper une « crève », d’attraper « la mort » comme il disait. Ce jour-là a été gravé à jamais dans son esprit d’enfant.

 Cependant, rien au monde n’aurait pu l’empêcher d’accompagner son père au Marché à Thonon. En ce temps-là, ils y allaient à pied depuis les Macherets. Il parlait souvent de son père et de sa mère. Des temps anciens, des temps différents de notre époque.

 La mort, Claudius l’a rencontrée pendant sa jeunesse lorsque la barbarie est venue occuper nos belles vallées. C’était au Château de Habère-Lullin. Ce jour-là, elle avait le visage du fascisme. Elle désignait ceux qui allaient mourir d’un hochement positif de la tête, et négatif pour ceux qui allaient survivre. Ce jour-là, Claudius a vu de nombreux jeunes hommes étendus dans une pièce du château, assassinés par les barbares.

 Le poète Walt Whitman a écrit : « Pas une tombe d’assassiné pour la liberté qui ne contienne des graines de liberté, lesquelles à leur tour donneront d’autre graines, que le vent disséminera très loin pour les semer ailleurs, que les pluies et les neiges nourriront. »

 Par la suite, Claudius se retrouve transféré avec les autres « rescapés » à Annecy. Là encore, le même scénario macabre. Et encore une deuxième fois, il réchappe à la mort. Il se retrouve avec d’autres camarades dans un train pour la déportation en Allemagne. À quelques kilomètres de Bourg-en-Bresse, il décide avec un autre jeune comme lui de sauter du train en marche. Et les voilà tous les deux au bord du fossé, encore une fois trempés ! Grelottants de froid, vite, ils sont recueillis par le maquis de l’Ain. Il organise leur retour au pays, comme nous le disons chez-nous. Deux jours après leur départ, Claudius apprend que le maquis qui l’a hébergé a été attaqué par les fascistes. Il n’y a eu apparemment aucun survivant. Il a encore échappé de peu à la mort.

 Ces événements lui ont donné la force. La force pour vivre pleinement sans crainte du lendemain. C’est ainsi qu’il a entrepris sa vie, avec confiance, avec joie et avec courage. Il a commencé par les marchés. Puis avec son épouse Lucienne, ils ont ouvert un magasin « au passage bleu » à Annemasse. Enfin, ils ont construit la première grande surface de meubles extramuros de la Haute-Savoie. Claudius a toujours eu la foi en la vie. Il a toujours eu confiance.

 Et, il fut tout étonné de connaître l’an 2000, et de vivre au vingt-et-unième siècle. C’est à cette époque, qu’il eut sa première crise cardiaque. Claudius nous rassurait en disant « Lorsqu’on est passé deux fois devant le peloton d’exécution, la mort on la connaît. Chaque jour est un bonus. » C’est ainsi qu’il s’exprimait. Chaque jour, c’était un cadeau, une promesse d’un jour de vie. C’est ainsi qu’il voyait la vie.

 Le vendredi 18 novembre 2011, il a fait sa dernière danse avec la mort.

 Parole de Marc, chapitre 10, verset 13 : « On lui amena des petits enfants, afin qu'il les touchât. Mais les disciples reprirent ceux qui les amenaient. Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit : « Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n'y entrera point ». Puis il les prit dans ses bras et les bénit, en leur imposant les mains. »

 Oui ! Claudius était comme un petit enfant. Il possédait cette générosité si totale comme seuls les enfants la détiennent. Une générosité sincère, sans arrière-pensée, spontanée et franche. Il avait aussi cette innocence  que possèdent les enfants, cette confiance aveugle en la vie. Une foi totale du moment présent. N’est-ce pas cela être chrétien ? Avoir une confiance aveugle en la vie. Que rien ne peut nous arriver puisque notre  foi nous rend fort. Oui ! Claudius est ainsi. Il est vivant dans nos cœurs parce que nous avons foi que la vie est éternelle…




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