Tout commença au cours de l'année 1821 quand Bruno de Plagniol, ingénieur des ponts et chaussées du secteur de Tournon, momentanément en résidence à Annonay où il dirigeait divers travaux, dit un jour à Marc Seguin : « Vous, qui avez le génie de l'invention, vous devriez chercher un moyen de remplacer les ponts en pierre par un autre système aussi solide et moins coûteux ». « Eh bien ! je m'en occuperai », répondit-il. Marc se procura alors le Traité des ponts de Thomas Pope publié en 1811 à New York. L'idée du pont suspendu décrit dans l'ouvrage lui paraît séduisante et réalisable.
Il expérimente, en 1822, au-dessus de la Cance, à l'usine de Saint-Marc, une passerelle suspendue à des câbles de fer de dix-huit mètres de longueur qui résistent parfaitement aux divers essais. Le faible coût de la passerelle le pousse à continuer dans son entreprise. L’année suivante, une nouvelle expérience à Saint-Vallier dans la Drôme voit une passerelle jetée sur la rivière la Galaure destinée au passage des piétons, des cavaliers et des bêtes de somme. Marc Seguin conseille à cette époque Guillaume Henri Dufour et Marc-Auguste Pictet pour la construction à Genève de la passerelle de Saint-Antoine, un premier pont suspendu à câble métallique.
Encouragé par ses premiers résultats, Marc Seguin sollicite de l'administration préfectorale l'autorisation de construire un pont suspendu sur le Rhône entre Tain et Tournon. Après des mois d’âpres discussions, l’Académie des sciences émet début 1824 un avis favorable à son projet.
Les frères Seguin, Marc, Camille, Jules, Paul et Charles, peuvent par ordonnance royale construire le pont à leurs frais « moyennant la concession d’un droit de péage sur la passerelle » pour 99 ans ; c'est la première concession d'une entreprise d'utilité publique jamais accordée par le gouvernement à une société privée. Au cours de l’année, Marc publie le résultat de ses travaux dans « Des ponts en fil de fer ».
Le pont, composé de deux travées de 85 mètres chacune, est le premier grand pont suspendu d'Europe continentale. Les tests préalables à sa réception se déroulent avec succès le 21 août 1825 et l’ouvrage est inauguré quatre jours plus tard. Les mois passent. Les bateaux se perfectionnent. Le pont s'avère alors trop bas pour laisser passer les bateaux à vapeur. Une ordonnance royale du 7 février 1847 oblige les frères Seguin, soit à avoir haussé le tablier, soit à construire un deuxième pont en détruisant le premier. Les frères Seguin choisissent la seconde solution et construisent à une centaine de mètres en aval une seconde passerelle où les droits de péage acquis sont transférés sur le nouvel ouvrage. C'est le commencement de la fortune des Seguin. Bientôt des ponts suspendus s'élèvent de toutes parts. Les frères Seguin, à eux seuls, en construisent près d’une centaine. Ce second pont des frères Seguin sera démoli au début des années 1960...
Le plus vieux pont suspendu encore en service, construit en 1827 par les frères Seguin, se trouve à Andance en Ardèche...
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