Nous
partons après onze heures trente pour Loulé, une ville relativement étendue
près de Faro. Le trajet dure une cinquantaine de minutes. Une fois la Cuore
garée dans un vaste parking gratuit au sol inégal en terre battue près du
centre, nous effectuons un jeu de piste pour trouver les trois restaurants
repérés par Patrick sur Internet. Nous arrivons sur la Praça Dom Afonso III
surplombée par les deux tours carrées du château médiéval. Je prends une photo devant
un massif de fleurs mauves pour embellir le premier plan. Une dame et son bébé,
assis sur un banc de la place aux larges degrés en dénivelé (je pense à
Québec), me gratifient de superbes sourires qui m’apportent de la joie au cœur.
La folie des masques en Espagne m’a privé de bien des sourires. Nous passons
devant le bel édifice rose de caractère, aux encadrements blancs, de la société
immobilière Ombria. Le premier restaurant, Vegan Joe's, est définitivement
fermé. Je prends en photo une statuette sur le rebord intérieur d’une fenêtre
ouverte d’une habitation le long de la rua de Portugal. Le second établissement
semble en congé et le troisième, un restaurant chinois, privé de terrasse,
montre des gens masqués qui font la queue. Nous partons à la recherche d’un
autre endroit pour déjeuner. Nous repassons devant le superbe édifice du
Mercado Municipal de Loulé embelli d’arches cintrées sur les deux façades
principales, aux atours crème et gris clair soulignés de rouge sang, qui
dévoile de belles tours mauresques aux bulbes rouges et une entrée principale
magistrale. Nous jetons notre dévolu sur le « Café Calcinha » situé
le long de la rue Praça da República. Nous déjeunons en terrasse en présence du
poète António Aleixo installé à sa table habituelle qu’il occupa souvent de son
vivant et qu’il devrait occuper pendant de nombreuses années encore. Son regard
impavide se pose sur nous dans une vision atemporelle. Né à Vila Real de Santo
António à la fin du dix-neuvième siècle, António est mort comme sa fille avant
lui de la tuberculose à Loulé le mercredi 16 novembre 1949. Une folie « sanitaire »
sévissait déjà à cette époque, car plusieurs cahiers de ses poésies furent
brûlés en raison de la peur et de l’ignorance liées à la maladie infectieuse qui
emporta le poète dans sa cinquante et unième année. Une perte irréparable d'un
héritage irremplaçable dans le monde de la poésie. Ami fidèle du poète et
écrivain Miguel Torga dans la dernière partie de sa vie, António Aleixo fut
considéré comme l'un des poètes le plus populaire au Portugal. Sa brillante
ironie et sa critique sociale pertinente présents dans ses vers, sa simplicité,
son humilité et sa modestie, concoururent à donner naissance à une œuvre
poétique singulière dans le panorama littéraire lusophone. Dans son parcours de
vie mouvementé, outre son activité littéraire, António exerça divers métiers
pour « joindre les deux bouts », tels que tisserand, policier, tailleur de
pierre... Il exécuta cette dernière activité lors de sa période d’émigrant en
France. Le centre culturel aux superbes tourelles en face du restaurant Taska
da Vila à Vila Real de Santo António, où nous avons déjeuné dernièrement, porte
son nom.
Nous optons pour une délicieuse soupe de légumes, pour une quiche aux
légumes servie avec des feuilles vertes, des brisures de carotte et deux grosse
rondelles de tomate. Je suis du regard sur le trottoir opposé une superbe jeune femme, habillée d’un
fourreau estival bleuté amplement décolleté, une longue chevelure blonde bouclée
ondulant jusqu’à ses reins au rythme de ses pas cadencés. Les minutes
s’évanouissent agréablement dans le mouvement des passants qui se croisent
devant notre table. Patrick sirote un thé noir Tetley en fin de repas. Nous
retournons ensuite au parking pour nous rendre au centre commercial « Mar
Shopping Algarve » situé dans la périphérie d’Almancil, près de Loulé. En
chemin, nous nous attardons à l’entrée d’une petite cour intérieure devant un
ancien véhicule à trois roues, bleu roi, qui semble se reposer d’une vie bien
remplie dans une encoignure ombragée. Le bandeau en haut du pare-brise laisse
lire les mots : « Algarvespa
Concessionárià Vespa Piaggio Gubra – Almancil ». Attaquée par la rouille,
le pneu arrière gauche à plat, les essuie-glace hors d’usage, le porte-bagage
éclopé sur la toiture, le vitrage agréablement asymétrique des portières
reflétant l’arrière-cours, les deux phares avant rectangulaires à l’acuité
visuelle parfaite, la Vespa s’apprête à passer une retraite bien méritée sous
le regard occasionnel des passants. Cette moto fourgonnette « Ape 50 [abeille en italien] » et ses
consœurs furent inventées par Enrico Piaggio et Corradino d'Ascanio. Le modèle
Ape 50, légendaire et glamour, a vu le jour chez le constructeur italien à
partir de l’année 1969 pour connaître un succès immédiat ; il se faufilait
partout dans les embouteillages et se garait n’importe où. Le premier modèle de
la gamme fut présenté à la Foire Internationale de Milan en 1946.
Après quinze heures, nous arrivons au centre commercial. La folie liée à la crise liberticide
qui s’éternise sans motifs pertinents oblige, au Portugal, à porter un masque ou
une visière dans les commerces ; uniquement dans les commerces,
heureusement !... Patrick met un masque et je mets une visière. Nous nous
rendons chez Primark sans flâner. Nous achetons des vêtements d’été dont des
tee-shirts colorés à deux euros. Nous « craquons » chacun pour une chemisette
fantaisie à cinq euros. Daniella nous accueille à la caisse. Je décèle
un franc sourire sous son masque. Nous nous rendons ensuite chez Diechmann où, une
quinzaine de minutes plus tard, j’achète une paire de chaussures légères
estivales. Le hasard faisant bien les choses, je trouve une paire de chaussures
de la marque Claudio Conti, la même que celle que je porte aux pieds, usée,
achetée à Genève il y a quelques années. Après un
bref passage dans un troisième magasin où nous ressortons sans avoir trouvé ce
que nous cherchions, nous retournons au parking couvert sans prendre le temps de
visiter le vaste complexe commercial aux nombreuses boutiques. Nous refusons de
cautionner cette folie du masque et nous limitons nos achats à l’essentiel.
Juste une petite exception, nous entrons et sortons du Starbucks Coffee après
un bref coup d’œil. Patrick prend le volant pour le retour. Je profite du
paysage plus montagneux que celui autour de Vila Nova de Cacela. De belles maisons se
dévoilent de temps à autre. Nous sommes de retour chez nous pour la pause de
dix-sept heures trente.
Après le dîner, nous allons nous promener vers la
maison cathédrale en faisant la boucle dans l’autre sens. Je photographie un
arbre aux racines proéminentes et à la ramure ébouriffée. Deux lanternes
éclairent l’entrée de la « Casa da Linha »…
António Aleixo
Mercado Municipal de Loulé
siège de la société immobilière Ombria
statuette sur le rebord intérieur d’une fenêtre ouverte
modèle Ape 50 légendaire et glamour
centre commercial « Mar Shopping Algarve »
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