Nous partons après le déjeuner. Nous suivons la route nationale 125.
Nous prenons à droite avant Olhão. Nous passons par Moncarapacho, un petit
village entouré de champs d'orangers, de citronniers et d'oliviers, nous
prenons la route sinueuse des hauteurs qui mène à la Cerro [colline] de São Miguel, en forme de cône, également connue
sous le nom de « Monte Figo », le plus haut sommet de la Serra [cordillère] de Monte Figo. Nous
nous arrêtons sur le bas-côté de la route pour contempler le panorama. Nous
voyons à distance une grande partie de
la côte sud de l'Algarve. Plus avant et plus haut, nous prenons à droite, nous
côtoyons l’Igreja [église] de São Miguel et nous traversons divers petits
villages avant d’arriver à destination à Estói une heure plus tard. Nous garons
la Smart bleu nuit [clin d’œil] sur la rua do Poe Emiliano Costa. Nous prenons
la direction du Palácio de Estói qui abrite dans ses murs la Pousada [auberge] qui porte
son nom. Nous descendons un large et long escalier qui aboutit sur le caminho
Entre Hortas que nous suivons pour atteindre les jardins du palais. Nous
arrivons dans la rua da Igreja où je prends en photo tour à tour le haut de la
rue en pente, où se remarque une bâtisse d’angle circulaire rouge corail, et
une porte d’entrée bleu lavande pourvue de deux superbes heurtoirs argentés parés
de deux visages d’éphèbes romains dans un semi-anneau. Plus bas, nous
contournons la Igreja Matriz de Estói, nous traversons le largo [esplanade] da Liberdade et nous arrivons devant l’entrée des
jardins. Nous cheminons jusqu’à de superbes escaliers magistraux en cascade où
trône une fontaine inactive sur une terrasse intermédiaire. Entourée d’une
balustrade en pierres, la fontaine nous offre d’admirer un ensemble de statues
en marbre italien. Deux sirènes tournent le dos à un rocher surmonté de deux
jeunes femmes et d’un cupidon. Nous grimpons les marches qui accèdent à
l’entrée du palais. Les rambardes en pierre montrent des cercles entrelacés. Fermé
par des grilles, le palais de plain-pied, muni d’un corps central en saillie, semble
tout droit sorti d’un conte de fées avec ses façades roses. Nous prenons des
photos.
Francisco José Moreira de Brito de Carvalhal e Vasconcelos hérita du
domaine de Estói après la mort de son père, Fernando José Seabra e Neto, en
1782. Il fit appel à l'architecte royal Mateus Vicente de Oliveira, sur la fin
de sa vie, qui dessina et mis en œuvre diverses constructions. L’édification du
palais lui-même commença au début des années 1840 et fut entreprise par le fils
aîné, Fernando José Moreira Osório qui, toutefois, ne termina pas son œuvre. À
sa mort, son frère Luís Filipe, un maréchal à la retraite, poursuivit les
travaux jusqu’à son propre décès. José Maria, leur frère cadet célibataire, le
dernier héritier, décéda en 1875… Le palais, qui se caractérise par un harmonieux
éclectisme romantique, tomba lentement dans l’oubli... En 1893, José Francisco
da Silva tomba amoureux du domaine abandonné qui tombait lentement en ruine et
dépensa d'importantes sommes d'argent pour le restaurer et l’achever. Il en
profita pour ajouter de nouveaux éléments qui embellirent le domaine :
fontaines avec des nymphes, le portail sur la rua da Barrroca d’où nous sommes
entrés, un clocher... Il confia la direction des travaux à l'architecte et
décorateur Domingos António da Silva Meira, connu pour la décoration du Palais
de Pena à Sintra. Doubles escaliers, balustrades, portails, grands jardins
pourvus de lacs et de fontaines, mosaïques, décorations variées, bustes
représentant des personnages célèbres, statues, mirent en valeur le domaine réparti
sur trois terrasses en dénivelé. L'inauguration du palais restauré aux façades
roses, devenu un petit Versailles, qui retrouva sa magnificence, se déroula
avec faste les premiers jours de mai 1909. Philanthrope, José Francisco offrit
à tout un chacun de visiter le palais et de se promener dans les jardins. Trois
ans auparavant, il recevait le titre de « Visconde [Vicomte] de Estói » des
mains du roi Carlos I de Portugal. Nous avons vu dans le village une rue qui
porte son titre. Le domaine restera en possession de la famille de José
Francisco jusqu'en 1987, année où il fut acheté par la municipalité de Faro. De
nos jours, le palais est exploité depuis une dizaine d’années par la Pousada
[auberge] Enatur qui dispose d’une piscine panoramique et d’une soixantaine de
chambres et suites. Chaque Pousada au Portugal est intégrée dans un monument
historique. Le groupe Pestana a acquis la majorité des concessions. Le palais a
subi des travaux d'adaptation et d'agrandissement sous la houlette de
l'architecte Gonçalo Byrne et de l'architecte-paysagiste João Cerejeiro. Un
jardin à la française, qui a gardé le nom de
« Carrascal », aux multiples bassins, pourvu de colonnes, d’escaliers,
de sculptures, d’azulejos, de palmiers, de jacarandas, d’orangers, a vu le
jour.
Nous redescendons les marches opposées et nous allons découvrir les
jardins. Nous descendons la seconde cascade d’escaliers décorée de prestigieux azulejos
qui souhaiteraient plus d’attention. Les azulejos sont des carreaux de faïence
décorés, traditionnellement au bleu dominant [« azul » voulant dire «
bleu » en portugais], ornés de motifs géométriques ou de
représentations figuratives. Nous découvrons « La Casa da Cascata » intégrée
dans la vaste structure des escaliers. La Casa s’apparente à un petit temple
classique avec son portique, ses colonnes et les armoiries des premiers
propriétaires, les comtes de Carvalhal. À l'intérieur, œuvre de l'artiste de
l'Algarve José Pedro da Cruz Leiria, se dévoile une fontaine inactive, sur un
socle en marbre, pourvue de trois sculptures qui représentent Aglaia, Eufrósine
et Talia, les filles mythiques de Zeus. Elles symbolisent la joie dans le monde
et le renouveau printanier de la Nature. Dans les niches latérales se trouvent
deux sculptures qui représentent Vénus et Diane. Elles furent sculptées dans la
galerie Androny à Pise. José Francisco da Silva dépensa une fortune pour faire
revivre le palais et son domaine. Le sol, les plafonds et autres ouvertures
sont recouverts de mosaïques génoises exécutées par Marches Andrea. Je m’attarde
devant une sirène et un dragon, face à face dans une courte allée latérale. Nous
cheminons sur l’allée qui mène à l’ancienne entrée magistrale du domaine,
fermée aujourd’hui. Nous prenons à droite et nous nous attardons plus avant
devant un superbe pavillon, un possible kiosque à musique. Un système d’irrigation
au sol assure l’arrosage des nombreux arbres luxuriants. Toutefois, l’herbe
jaunie et clairsemée souffre de la forte chaleur estivale. Nous suivons une
autre allée et nous voyons devant nous les bâtiments cubiques gris clair,
plutôt inesthétiques, construits pour abriter les chambres et les suites de la Pousada
qui se signalent à gauche du palais dans un alignement rectiligne privé de
charme. Heureusement, la végétation les cache partiellement.
Nous retournons tranquillement sur le largo da Liberdade où nous nous attardons devant un poème intitulé « Minha Aldeia », peut-être une œuvre de Fernando Pessoa dont Patrick apprécie les écrits. Nous retournons à la voiture pour nous rendre aux « Ruínas Romanas de Milreu » situées à un peu plus d’un kilomètre. Patrick paie quatre euros pour accéder au site. Nous découvrons les vestiges de la Villae Romana de Milreu. Nous rencontrons Carlos, un étudiant africain en archéologie, originaire de Tunisie, qui parle français. Il nous offre un voyage dans le passé au travers de ses commentaires qu’il illustre avec des gestes. La villa romaine édifiée par étapes durant le deuxième et troisième siècles après Jésus-Christ comprenait notamment un temple, dont il reste une partie de la construction, et des bains où des bribes de mosaïques sont visibles. Nous remercions vivement Carlos et nous sortons du site. Patrick achète un livre en français sur l’histoire du site. Il prend le volant. Nous roulons au bas de la colline de São Miguel et nous sommes de retour chez nous vers seize heures…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire