Le ciel est d’azur et le soleil brille. Des filaments de nuées se promènent et s’étonnent des passants masqués qui traversent la place devant l’hôtel. Avant le petit déjeuner, Patrick me parle d’un sms reçu d’une amie confrontée à un souci de santé. Je pense à lui envoyer le livre « Le voyage de guérison » de Brandon Bays. J’appelle Thérèse vers onze heures suite à son dernier sms.
Nous partons vers midi trente pour déjeuner. Nous nous égarons quelque peu avant de trouver le magasin Dia sur l’avenida Álvarez de Castro qui s’avère tout petit. Seules des chips constituent nos emplettes. Nous retournons sur nos pas pour acheter le repas sous les arcades de l’avenida de Sant Francesc à la boulangerie pâtisserie artisanale Antiga Casa Bellsolà, ouverte en 1892, et à la fruiteria Fang Fang située tout à côté où un jeune beau Chinois souriant m’accueille à la caisse. Nous déjeunons sur un banc de la proche plaça de Catalunya, devant la végétation et près d’une fontaine. Le sandwich végétarien Bellsolà au pain complet et aux graines est exquis. Je le savoure avec des petites tomates bien mûres, des champignons frais émincés et une carotte achetés chez Fang Fang.
Après le repas, nous allons nous promener dans le parc de la Devesa. En chemin, je prends en photo la statue de Laureà Dalmau i Pla, un médecin, écrivain et homme politique catalan. Il publia des poèmes dans l'hebdomadaire Catalanitat dont il fut l’un des fondateurs. Il fut élu député de Gérone aux élections de 1932 au Parlement de Catalogne. Sa vie fut mouvementée, militante lors de la résistance antifranquiste et engagée pour l'indépendance des pays catalans. Nous repassons devant chez Dia. Sur la Gran Via de Jaume 1, sous un magnifique balcon décoré de céramiques au bleu dominant qui fait saillie sur la rue, je vois dans la vitrine en angle d’un magasin de vêtements deux mannequins masculins qui portent le masque. Il s’agit probablement d’une nouvelle directive du chef du gouvernement Pedro Sánchez qui exige que tous les mannequins soient masqués dans les vitrines des commerces pour montrer l’exemple. Nous passons devant le restaurant Clàssic Girona qui est fermé… est-ce définitivement ? Nous voyons une piste cyclable aménagée sous une bretelle de route. La végétation tapisse harmonieusement le dessous de la bretelle en béton. Plus avant, nous constatons que le centre commercial La Devesa est définitivement fermé.
Dans le rond-point devant le parc, je m’approche de l’œuvre futuriste en acier inoxydable « Sculpture pour l'Europe » de l'artiste valencien Andreu Alfaro, réalisée il y a une quarantaine d’années. Niché à l’angle des fleuves Ter et Onyar, le parc de la Devesa surprend par le gigantisme des platanes plantés avec une symétrie déconcertante. Ces quelque deux mille cinq cents platanes auraient été plantés au milieu du dix-neuvième siècle pour pallier les inondations des rivières qui le bordent. Certains de ces arbres atteignent près de soixante mètres de hauteur. Dans le livre « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben, Patrick a lu que le fait de planter les arbres en alignement avec une telle symétrie contribue à les rendre souffrants ; une sensation de malaise se dégage du parc. Je fais une étreinte à l’un des platanes. Nous sommes pratiquement les seuls promeneurs.
Nous sortons du parc du côté de l'esplanada de la Copa où le Circo Raluy Legacy vient d’arriver. Je prends en photo un des camions du cirque. Le cirque Raluy Legacy, dirigé par le patriarche Luis Raluy, a conservé l'héritage transmis de père en fils. Il est considéré aujourd'hui comme l'un des plus importants cirques itinérants de l'Europe. Ses quelque quarante caravanes et camions transportent celles et ceux qui croient encore à l'âge d'or du monde du cirque. Pour entrer dans la vieille ville, nous traversons le pont piétonnier D'en Gómez o de la princesa, au tablier en lames de bois, qui enjambe la rivière Onyar. Sur la carrer dels Calderers, nous voyons que le grand café König est fermé. Son immense terrasse est déserte et c’est impressionnant. Nous entrons dans le Moyen Âge de la ville dont le passé fut mouvementé. Elle fut assiégée à bien des reprises. Nous sommes entourés de vieilles pierres magnifiques. Les édifices du passé nous captivent par leur majesté. Un petit pont en pierre légèrement en arc qui enjambe le lit asséché d’une rivière nous permet d’atteindre la plaça Narcís Figueras où se révèle un adorable bassin pourvu d’un îlet de végétation. Les escaliers sont rois dans la vieille ville. Certains semblent mener au ciel. Sur l’un d’eux, nous voyons sur les marches des figurants d’un film en cours de tournage qui ne portent pas de masque. L’escalier monumental devant la cathédrale est réservé aux grimpeurs. La vieille ville est quasi déserte et semble comme abandonnée. Tout est fermé ou presque.
Nous suivons à un moment donné la Carrer Guillem Minali qui donne sur la Rambla de la Llibertat où voir les terrasses désertes des cafés, les chaises empilées, les tables regroupées à la hâte donne une sensation de malaise. Les mesures gouvernementales auront probablement des conséquences à long terme inimaginables aujourd’hui. Tout au long de notre balade, nous avons remarqué des commerces fermés suite à la crise. Avant de quitter la Rambla, une égérie à la longue chevelure rousse, avec un quelque chose de Dalida, assise sur un banc avec son amoureux, fascine mon regard. Nous traversons le pont de Pedra et nous constatons avec une surprise amusée que nous sommes revenus vers la plaça de Catalunya. Nous en profitons pour acheter des bananes chez Fang Fang. Le jeune Chinois s’occupe également du petit restaurant annexe « Casa Ramen » qui vend des plats chauds, toutes sortes de tapas et des plats traditionnels chinois, à emporter, à défaut de pouvoir se restaurer sur place. La débrouillardise des Chinois nous a toujours impressionnés durant nos différents voyages ; cela se confirme à Girona.
Avant de retourner à l’hôtel, nous
découvrons fortuitement une exposition de la Fundació .cat qui fête ses quinze
ans d'histoire du domaine Internet .cat. Cette exposition se veut le reflet de
l'âme collective catalane. Une affiche interroge : à quoi ressemble votre âme.
Est-elle rêveuse, créative, curieuse, entreprenante, intuitive, enthousiaste ?...
Nous sommes de retour à l’hôtel vers seize heures trente avec plus de cinq
kilomètres de marche « dans les jambes »… L’après-midi se continue agréablement
dans notre chambre. Des cris d’enfants parviennent de la place…
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