« Circus of Books » sur Netflix : Un papa, une maman et leur
sex-shop gay
DOCUMENTAIRE Dans le documentaire « Circus of Books »,
Rachel Mason retrace le parcours de ses parents qui furent les principaux
distributeurs de pornographie gay américains dans les années 1980
Circus of Books disponible depuis ce mercredi sur Netflix,
ne parle pas de cirque. Ni de livres – du moins pas de ceux que l’on trouve
dans une librairie traditionnelle. Le documentaire porte le nom d’un sex-shop
gay de Los Angeles. Une boutique créée dans les années 1960 et considérée comme
l’un des sites importants de l’histoire gay de la ville, apprend-on sur
Wikipédia. Le lieu a été tenu pendant plus de trente ans par un couple hétéro
qui, a priori, n’était pas le mieux placé pour reprendre l’activité au début
des années 1980. C’est cette histoire insolite que raconte ce film produit par
Ryan Murphy et réalisé par Rachel Mason. La plateforme le recommande aux « plus
de 16 ans ». A raison car, loin d’être scabreux, ce documentaire raconte une
aventure pleine d’humanité. Voici trois bonnes raisons d’y jeter un œil.
Une histoire surprenante
A première vue, la famille Mason est une smala lambda. C’est
ce que l’on se dit en découvrant, au début du documentaire, une scène de vie
familiale immortalisée au caméscope dans les années 1980. Les parents, Karen et
Barry, s’affairent en cuisine pendant qu’un de leurs trois enfants les filme.
La séquence est banale mais ce qui suit l’est beaucoup moins. Lorsqu’il ne
s’affaire pas dans ses activités ménagères, le couple est à la tête de Circus
of Books. Un magasin qui, comme son nom ne l’indique pas, est l’un des
principaux sex-shops gays de Los Angeles.
Les époux ont géré cette enseigne pendant trente-cinq ans,
jusqu’à sa fermeture définitive début 2019. Arrivés dans ce business un peu par
hasard – Karen a commencé sa carrière comme journaliste et Barry a œuvré dans
les effets spéciaux pour le cinéma –, ils se sont peu à peu familiarisés avec
les attentes de leur clientèle jusqu’à se lancer dans la production de films X
gays. Ils ont surmonté plusieurs obstacles – notamment la répression envers la
pornographie sous l’ère de Ronald Reagan – jusqu’à l’essor d’Internet qui a
finalement eu raison de leur affaire, les contenus pour adultes et autres
profils de rencontres devenant accessibles en quelques clics. Leur parcours peu
banal est retracé sans sensationnalisme et avec juste ce qu’il faut d’humour et
de légèreté.
Une histoire de famille
Le documentaire est réalisé par Rachel Mason, la fille de
Karen et Barry. Le point de vue est double : il y a le regard de la
réalisatrice et celui d’une femme qui observe ses parents avec une certaine
tendresse. Les deux aspects s’enchevêtrent sans que la bienveillance envers les
membres de sa famille ne prenne le pas ou ne nuise à la démarche journalistique
de Rachel Mason. Elle semble d’ailleurs elle-même apprendre de nombreuses
choses sur ses géniteurs au fil du tournage. Et pour cause, à l’instar de ses
frères, elle ignorait tout de l’activité professionnelle de ses parents durant
ses jeunes années. Adolescente, lorsqu’on lui demandait quel était leur métier,
elle répondait : « Ils tiennent une librairie », sans jamais soupçonner la
nature des livres en rayon.
Toutes les familles ont leurs non-dits… Le couple Mason
n’évoquait d’ailleurs jamais Circus of Books en dehors du magasin, par peur du
qu’en-dira-t-on. Autre paradoxe : Karen avait beau ne compter quasiment que des
gays parmi ses salariés et sa clientèle, cela ne l’a pas empêchée de réagir
durement lorsqu’un de ses fils lui a révélé être homosexuel.
Une histoire des mouvements LGBT
Même si cela ne représente pas la majeure partie de son
contenu, le documentaire aborde les jalons de l’histoire de la communauté LGBT
aux Etats-Unis ces cinquante dernières années. Il rappelle ainsi la répression
policière menée à l’encontre des bars gays et de leurs clients dans les années
1960 et les risques que cela représentait pour les principaux concernés. Circus
of Books est ainsi érigé à la place d’un de ces bars, le New Faces. Plus qu’un
sex-shop, ce magasin était un lieu où les personnes homosexuelles pouvaient se
rencontrer, socialiser (voire plus si affinités) en toute sécurité. Pendant
plusieurs années, il fut en quelque sorte un refuge où l’homophobie était tenue
à distance. Les Mason ont aussi été les témoins des ravages de l’épidémie du
VIH qui a décimé nombre de salariés durant les années 1980 et 1990. « Nous
avons perdu tant de nos employés. Nous appelions les parents pour leur dire :
"Votre fils est malade". Les parents répondaient simplement :"Je
ne veux plus jamais le revoir" », s’émeut ainsi Barry dans le
documentaire.
Son épouse et lui estiment ne pas être des militants.
Cependant depuis que leur fils a fait son coming-out, ils ont rejoint une
association de parents d’enfants LGBT. Leurs témoignages aident de nombreuses
personnes sur le chemin de l’acceptation de l’orientation sexuelle ou de
l’identité de genre de leurs enfants. Dans une séquence du film, Karen et Barry
Mason défilent à une Marche des fiertés LGBT. Le cortège passe devant le Circus
of Books, lors d’un plan symbolique semblant dire que la boucle est bouclée,
que la famille Mason est à son tour entrée dans l’histoire de la communauté
gay.
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