mercredi 22 avril 2020

« Circus of Books » sur Netflix


« Circus of Books » sur Netflix : Un papa, une maman et leur sex-shop gay
DOCUMENTAIRE Dans le documentaire « Circus of Books », Rachel Mason retrace le parcours de ses parents qui furent les principaux distributeurs de pornographie gay américains dans les années 1980

Circus of Books disponible depuis ce mercredi sur Netflix, ne parle pas de cirque. Ni de livres – du moins pas de ceux que l’on trouve dans une librairie traditionnelle. Le documentaire porte le nom d’un sex-shop gay de Los Angeles. Une boutique créée dans les années 1960 et considérée comme l’un des sites importants de l’histoire gay de la ville, apprend-on sur Wikipédia. Le lieu a été tenu pendant plus de trente ans par un couple hétéro qui, a priori, n’était pas le mieux placé pour reprendre l’activité au début des années 1980. C’est cette histoire insolite que raconte ce film produit par Ryan Murphy et réalisé par Rachel Mason. La plateforme le recommande aux « plus de 16 ans ». A raison car, loin d’être scabreux, ce documentaire raconte une aventure pleine d’humanité. Voici trois bonnes raisons d’y jeter un œil.
Une histoire surprenante
A première vue, la famille Mason est une smala lambda. C’est ce que l’on se dit en découvrant, au début du documentaire, une scène de vie familiale immortalisée au caméscope dans les années 1980. Les parents, Karen et Barry, s’affairent en cuisine pendant qu’un de leurs trois enfants les filme. La séquence est banale mais ce qui suit l’est beaucoup moins. Lorsqu’il ne s’affaire pas dans ses activités ménagères, le couple est à la tête de Circus of Books. Un magasin qui, comme son nom ne l’indique pas, est l’un des principaux sex-shops gays de Los Angeles.
Les époux ont géré cette enseigne pendant trente-cinq ans, jusqu’à sa fermeture définitive début 2019. Arrivés dans ce business un peu par hasard – Karen a commencé sa carrière comme journaliste et Barry a œuvré dans les effets spéciaux pour le cinéma –, ils se sont peu à peu familiarisés avec les attentes de leur clientèle jusqu’à se lancer dans la production de films X gays. Ils ont surmonté plusieurs obstacles – notamment la répression envers la pornographie sous l’ère de Ronald Reagan – jusqu’à l’essor d’Internet qui a finalement eu raison de leur affaire, les contenus pour adultes et autres profils de rencontres devenant accessibles en quelques clics. Leur parcours peu banal est retracé sans sensationnalisme et avec juste ce qu’il faut d’humour et de légèreté.
Une histoire de famille
Le documentaire est réalisé par Rachel Mason, la fille de Karen et Barry. Le point de vue est double : il y a le regard de la réalisatrice et celui d’une femme qui observe ses parents avec une certaine tendresse. Les deux aspects s’enchevêtrent sans que la bienveillance envers les membres de sa famille ne prenne le pas ou ne nuise à la démarche journalistique de Rachel Mason. Elle semble d’ailleurs elle-même apprendre de nombreuses choses sur ses géniteurs au fil du tournage. Et pour cause, à l’instar de ses frères, elle ignorait tout de l’activité professionnelle de ses parents durant ses jeunes années. Adolescente, lorsqu’on lui demandait quel était leur métier, elle répondait : « Ils tiennent une librairie », sans jamais soupçonner la nature des livres en rayon.
Toutes les familles ont leurs non-dits… Le couple Mason n’évoquait d’ailleurs jamais Circus of Books en dehors du magasin, par peur du qu’en-dira-t-on. Autre paradoxe : Karen avait beau ne compter quasiment que des gays parmi ses salariés et sa clientèle, cela ne l’a pas empêchée de réagir durement lorsqu’un de ses fils lui a révélé être homosexuel.
Une histoire des mouvements LGBT
Même si cela ne représente pas la majeure partie de son contenu, le documentaire aborde les jalons de l’histoire de la communauté LGBT aux Etats-Unis ces cinquante dernières années. Il rappelle ainsi la répression policière menée à l’encontre des bars gays et de leurs clients dans les années 1960 et les risques que cela représentait pour les principaux concernés. Circus of Books est ainsi érigé à la place d’un de ces bars, le New Faces. Plus qu’un sex-shop, ce magasin était un lieu où les personnes homosexuelles pouvaient se rencontrer, socialiser (voire plus si affinités) en toute sécurité. Pendant plusieurs années, il fut en quelque sorte un refuge où l’homophobie était tenue à distance. Les Mason ont aussi été les témoins des ravages de l’épidémie du VIH qui a décimé nombre de salariés durant les années 1980 et 1990. « Nous avons perdu tant de nos employés. Nous appelions les parents pour leur dire : "Votre fils est malade". Les parents répondaient simplement :"Je ne veux plus jamais le revoir" », s’émeut ainsi Barry dans le documentaire.
Son épouse et lui estiment ne pas être des militants. Cependant depuis que leur fils a fait son coming-out, ils ont rejoint une association de parents d’enfants LGBT. Leurs témoignages aident de nombreuses personnes sur le chemin de l’acceptation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de leurs enfants. Dans une séquence du film, Karen et Barry Mason défilent à une Marche des fiertés LGBT. Le cortège passe devant le Circus of Books, lors d’un plan symbolique semblant dire que la boucle est bouclée, que la famille Mason est à son tour entrée dans l’histoire de la communauté gay.


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