Publié dans le journal 20 Minutes aujourd'hui :
Jeudi dernier, un habitant de Melun était incarcéré après
avoir écopé de quatre mois de prison ferme pour ne pas avoir respecté le confinement
à de multiples reprises.
Cette « privation totale pour tous de nos libertés » par un
Etat français qui emprisonne « les récalcitrants » est pointée du doigt sur les
réseaux sociaux ces derniers jours. Mais voilà, pour les mêmes, ce confinement
serait tout bonnement illicite…
Pour cela, ils s’appuient sur les récentes décisions prises
par certaines juridictions, que ce soit à Poitiers, Bobigny ou encore Toulouse.
Et si, jeudi à Melun, le récidiviste a été condamné, les cas
similaires examinés par le tribunal correctionnel de la Ville rose le même jour
ont fait, eux, l’objet d’une remise en liberté. Ils avaient pourtant aussi été
verbalisés à plus de trois reprises pour ne pas avoir présenté la fameuse
attestation nécessaire à tout déplacement depuis le début du confinement. Et ils
encouraient jusqu’à six mois d’emprisonnement et 3.750 euros d’amendes.
Mais leurs avocats ont soulevé à l’audience une question
prioritaire de constitutionnalité (QPC), comme le rapporte La Dépêche du Midi
dans un article titré « Toulouse : des avocats contestent la légalité du
confinement ».
Une demande jugée recevable par le tribunal correctionnel,
qui a décidé de transmettre cette QPC à la Cour de cassation et, en attendant
sa réponse, a sursis à statuer et libéré les prévenus.
En résumé.
Si le confinement est bien au cœur des débats, ce n’est pas
sa légalité à proprement parler qui va être examinée, mais les sanctions qui en
découlent lorsqu’il n’est pas respecté.
« La procédure de QPC pose la question de la
constitutionnalité du texte qui fonde les poursuites. Pour nous, c’est le délit
de non-respect qui est inconstitutionnel », insiste Maître Sébastien Delorge,
l’un des trois avocats toulousains qui ne remet pas en cause les décisions
sanitaires prises pour limiter la pandémie.
Dans sa manche, il avance plusieurs justifications. La
première est le flou même autour du décret fixant la réglementation sur les
déplacements. « Le décret ne parle pas d’une attestation mais d’un document et
ne dit pas que l’on ne peut pas le remplir au crayon à papier par exemple. Par
ailleurs, qu’est-ce que cela veut dire un motif familial impérieux, un achat de
première nécessité ? C’est trop flou, cela peut être interprété et ne satisfait
pas à une exigence de précision nécessaire pour établir la légalité du délit et
éviter ainsi l’arbitraire », insiste l’avocat pour qui il est nécessaire que
les juges soient garants des libertés individuelles.
Comme ses confrères de Poitiers et Bobigny, l’avocat met en
avant les dispositions du fameux 4e alinéa de l'article L.3136-1 du code de la
Santé publique qui permettent de poursuivre les resquilleurs. Pour lui, elles
n’ont jamais été jugées conformes à la Constitution par le Conseil
constitutionnel et portent donc atteinte aux droits et libertés.
Notamment au principe fondamental de présomption
d’innocence. « La violation du confinement se traduit par une contravention, or
comme dans toute contravention, il y a un délai de recours de 45 jours. Or là,
on punit les gens de s’être fait verbaliser plus de trois fois en trente jours,
mais si on conteste une de ces trois contraventions, elle n’est plus définitive
et on est toujours présumé innocent », poursuit Maître Sébastien Delorge.
Autant d’arguments qui vont être scrutés de près par la Cour
de cassation. Après avoir été saisie, elle s’est engagée le 9 avril « à
répondre dans les délais les plus brefs possible » et à juger du caractère
sérieux de ces QPC. Si tel était le cas, elle transmettra alors au Conseil constitutionnel
qui devra alors se prononcer et statuer.
Un fichier contesté
En attendant, de nombreux avocats ont décidé d’invoquer
désormais cette QPC dans des dossiers similaires. Pour éviter que le
non-respect du confinement soit assimilé à un délit, des robes noires ont
trouvé une autre parade pour éviter la prison à leur client.
Le 9 avril, à Rennes, un avocat a soulevé une nullité de
procédure lors de la comparution immédiate de son client, un jeune homme de 19
ans en infraction à cinq reprises.
A chaque contrôle, son infraction était consignée dans le
fichier Adoc, qui contient toutes les contraventions liées au Code de la route.
Un fichier détourné de sa fonction première et donc contenant des informations
illégales et non validées par la CNIL selon l’avocat. Le parquet a fait appel
de la décision du tribunal.
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