mardi 14 avril 2020

La légalité du confinement est-elle attaquable devant les tribunaux ?


Publié dans le journal 20 Minutes aujourd'hui :
Jeudi dernier, un habitant de Melun était incarcéré après avoir écopé de quatre mois de prison ferme pour ne pas avoir respecté le confinement à de multiples reprises.
Cette « privation totale pour tous de nos libertés » par un Etat français qui emprisonne « les récalcitrants » est pointée du doigt sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Mais voilà, pour les mêmes, ce confinement serait tout bonnement illicite…
Pour cela, ils s’appuient sur les récentes décisions prises par certaines juridictions, que ce soit à Poitiers, Bobigny ou encore Toulouse.
Et si, jeudi à Melun, le récidiviste a été condamné, les cas similaires examinés par le tribunal correctionnel de la Ville rose le même jour ont fait, eux, l’objet d’une remise en liberté. Ils avaient pourtant aussi été verbalisés à plus de trois reprises pour ne pas avoir présenté la fameuse attestation nécessaire à tout déplacement depuis le début du confinement. Et ils encouraient jusqu’à six mois d’emprisonnement et 3.750 euros d’amendes.
Mais leurs avocats ont soulevé à l’audience une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), comme le rapporte La Dépêche du Midi dans un article titré « Toulouse : des avocats contestent la légalité du confinement ».
Une demande jugée recevable par le tribunal correctionnel, qui a décidé de transmettre cette QPC à la Cour de cassation et, en attendant sa réponse, a sursis à statuer et libéré les prévenus.
En résumé.
Si le confinement est bien au cœur des débats, ce n’est pas sa légalité à proprement parler qui va être examinée, mais les sanctions qui en découlent lorsqu’il n’est pas respecté.
« La procédure de QPC pose la question de la constitutionnalité du texte qui fonde les poursuites. Pour nous, c’est le délit de non-respect qui est inconstitutionnel », insiste Maître Sébastien Delorge, l’un des trois avocats toulousains qui ne remet pas en cause les décisions sanitaires prises pour limiter la pandémie.
Dans sa manche, il avance plusieurs justifications. La première est le flou même autour du décret fixant la réglementation sur les déplacements. « Le décret ne parle pas d’une attestation mais d’un document et ne dit pas que l’on ne peut pas le remplir au crayon à papier par exemple. Par ailleurs, qu’est-ce que cela veut dire un motif familial impérieux, un achat de première nécessité ? C’est trop flou, cela peut être interprété et ne satisfait pas à une exigence de précision nécessaire pour établir la légalité du délit et éviter ainsi l’arbitraire », insiste l’avocat pour qui il est nécessaire que les juges soient garants des libertés individuelles.
Comme ses confrères de Poitiers et Bobigny, l’avocat met en avant les dispositions du fameux 4e alinéa de l'article L.3136-1 du code de la Santé publique qui permettent de poursuivre les resquilleurs. Pour lui, elles n’ont jamais été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et portent donc atteinte aux droits et libertés.
Notamment au principe fondamental de présomption d’innocence. « La violation du confinement se traduit par une contravention, or comme dans toute contravention, il y a un délai de recours de 45 jours. Or là, on punit les gens de s’être fait verbaliser plus de trois fois en trente jours, mais si on conteste une de ces trois contraventions, elle n’est plus définitive et on est toujours présumé innocent », poursuit Maître Sébastien Delorge.
Autant d’arguments qui vont être scrutés de près par la Cour de cassation. Après avoir été saisie, elle s’est engagée le 9 avril « à répondre dans les délais les plus brefs possible » et à juger du caractère sérieux de ces QPC. Si tel était le cas, elle transmettra alors au Conseil constitutionnel qui devra alors se prononcer et statuer.
Un fichier contesté
En attendant, de nombreux avocats ont décidé d’invoquer désormais cette QPC dans des dossiers similaires. Pour éviter que le non-respect du confinement soit assimilé à un délit, des robes noires ont trouvé une autre parade pour éviter la prison à leur client.
Le 9 avril, à Rennes, un avocat a soulevé une nullité de procédure lors de la comparution immédiate de son client, un jeune homme de 19 ans en infraction à cinq reprises.
A chaque contrôle, son infraction était consignée dans le fichier Adoc, qui contient toutes les contraventions liées au Code de la route. Un fichier détourné de sa fonction première et donc contenant des informations illégales et non validées par la CNIL selon l’avocat. Le parquet a fait appel de la décision du tribunal.

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