lundi 25 mai 2020

Premier contact...



Nous avons regardé hier, pour la troisième fois pour moi depuis sa sortie en 2016, le film « Premier contact » [Arrival] réalisé par Denis Villeneuve.

L'arrivée de mystérieux vaisseaux spatiaux en douze lieux sur la Terre déclenche une crise internationale qui risque de mener à une guerre mondiale. Recrutée par l'armée américaine, Louise Banks, une brillante linguiste, tente de communiquer avec les extraterrestres. Sur une trame qui tient en haleine, une brillante réflexion métaphorique sur notre époque d'état d'urgence permanent se dévoile. Le parallèle avec la crise liée à la venue du coronavirus actuel est flagrant. La folie des dirigeants va crescendo, les peurs irraisonnées provoquent des émeutes, des pillages, des exactions en tous genres totalement injustifiés puisque les Extra-terrestres se montrent engageants en restant confinés dans leur vaisseau. Face à leur présence (Heptapodes, virus) et leurs messages indéchiffrables (médias, politiciens), les réactions dans le monde sont extrêmes et totalement démesurées. La figure de l’autre, différente, l’altérité des Heptapodes, est rejetée et cachée par un masque de méfiance extrême et de rejet de la part des populations.

Avec les mois qui passent, nous voyons que les Heptapodes ne sont pas une menace pandémique pour la race humaine. Les Hommes sont arrogants dans le sens où ils s’attendent à ce que des Aliens qui arrivent correspondent à leurs dépendances mentales vis-à-vis de la vision de leur existence. Ils projettent sur les extraterrestres leurs attentes humaines. La confiance dans l’inconnu est totalement écartée, les Humains vivant de plus en plus illusoirement dans une sécurité psychologique erronée. Tel un mantra, l’anaphore hypnotique, répétée en boucle par les armées et les politiciens, entretient la crise. Avant même de comprendre que le présent va influencer l’avenir de façon irrémédiable, avant même d’appréhender les ressorts scientifiques du virus, les dirigeants s’embarquent dans des scénarios dysfonctionnels, dans la précipitation, qui ne font qu’empirer les choses au niveau des populations.

Induire un lien chronologique entre les Heptapodes (ou le virus) et le déroulement des mesures de gestion de la crise (confinement) trompe le réel dans un engrenage de panique (liberticide), obsessionnelle et décentrée, injustifié par la réalité des faits. Les rapports conflictuels se cristallisent autour de la venue des Heptapodes (virus), des boucs émissaires bien opportuns pour cacher que nos sociétés sont malades. Les Heptapodes (virus) ouvrent une porte pour l’avenir, les Humains refusent de la franchir préférant la lier à leurs peurs et leur méfiance maladives.

Le film se montre toutefois puissamment optimiste alors que la crise actuelle surfe sur le pessimisme. Pour que les politiciens et tous les dirigeants en règle générale puissent élargir leur vision du citoyen, il faudrait qu’ils se glissent dans sa peau pour être apte à saisir son altérité. Pour prouver et contrer les intentions mauvaises des aliens (du virus), les militaires (les politiciens) prennent fréquemment comme référence les actions dysfonctionnelles d’une minorité d’hommes alors que celles de la quasi-totalité de la majorité des hommes sont fonctionnelles.

Louise enlève sa combinaison et son masque pour mieux aller à la rencontre des Heptapodes, elle prendra le risque de respirer leur atmosphère et de s’abandonner totalement à leur volonté… et elle est toujours vivante… Pour dialoguer, les politiciens (les militaires) devraient briser les barrières qui nous séparent et accepter les risques que cela comporte ; ôter leurs protections dans leur tour de Babel et faire le pari de l’inconnu, supposer de l’altruisme chez l’autre, lui faire confiance, lui témoigner de l’empathie, quand bien même ils n’en auraient jamais fait l’expérience… L’épais manteau de brume qui enveloppe les ego devrait alors se dissiper.

L’intensité et le chaos des événements dans le film (et actuellement) sont marqués par des informations anxiogènes, souvent invérifiées, amplifiées et exagérées, aux sources de plus en plus nombreuses, qui provoquent la panique en prenant possession de la planète. La réaction des populations se forme sur le contenu des médias avant toute forme de réelles connaissances. Le caractère contagieux de la peur a la vie belle ; l’affect des dirigeants et des citoyens se trouve dénué de rationalité. L’humanité est son propre ennemi, elle prête aux Heptapodes (virus) des intentions uniquement imaginées et imaginaires qui altèrent la réalité.

Quand les Humains œuvreront-ils dans la même direction ?

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