Nous avons regardé hier, pour la troisième
fois pour moi depuis sa sortie en 2016, le film « Premier contact » [Arrival]
réalisé par Denis Villeneuve.
L'arrivée de mystérieux vaisseaux spatiaux
en douze lieux sur la Terre déclenche une crise internationale qui risque de
mener à une guerre mondiale. Recrutée par l'armée américaine, Louise Banks, une
brillante linguiste, tente de communiquer avec les extraterrestres. Sur une
trame qui tient en haleine, une brillante réflexion métaphorique sur notre
époque d'état d'urgence permanent se dévoile. Le parallèle avec la crise liée à
la venue du coronavirus actuel est flagrant. La folie des dirigeants va
crescendo, les peurs irraisonnées provoquent des émeutes, des pillages, des
exactions en tous genres totalement injustifiés puisque les Extra-terrestres se
montrent engageants en restant confinés dans leur vaisseau. Face à leur présence
(Heptapodes, virus) et leurs messages indéchiffrables (médias, politiciens),
les réactions dans le monde sont extrêmes et totalement démesurées. La figure
de l’autre, différente, l’altérité des Heptapodes, est rejetée et cachée par un
masque de méfiance extrême et de rejet de la part des populations.
Avec les mois qui passent, nous voyons que
les Heptapodes ne sont pas une menace pandémique pour la race humaine. Les
Hommes sont arrogants dans le sens où ils s’attendent à ce que des Aliens qui arrivent
correspondent à leurs dépendances mentales vis-à-vis de la vision de leur existence.
Ils projettent sur les extraterrestres leurs attentes humaines. La confiance
dans l’inconnu est totalement écartée, les Humains vivant de plus en plus
illusoirement dans une sécurité psychologique erronée. Tel un mantra,
l’anaphore hypnotique, répétée en boucle par les armées et les politiciens, entretient
la crise. Avant même de comprendre que le présent va influencer l’avenir de
façon irrémédiable, avant même d’appréhender les ressorts scientifiques du
virus, les dirigeants s’embarquent dans des scénarios dysfonctionnels, dans la précipitation, qui ne
font qu’empirer les choses au niveau des populations.
Induire un lien chronologique entre les Heptapodes
(ou le virus) et le déroulement des mesures de gestion de la crise (confinement)
trompe le réel dans un engrenage de panique (liberticide), obsessionnelle et
décentrée, injustifié par la réalité des faits. Les rapports conflictuels se cristallisent
autour de la venue des Heptapodes (virus), des boucs émissaires bien opportuns
pour cacher que nos sociétés sont malades. Les Heptapodes (virus) ouvrent une
porte pour l’avenir, les Humains refusent de la franchir préférant la lier à
leurs peurs et leur méfiance maladives.
Le film se montre toutefois puissamment optimiste
alors que la crise actuelle surfe sur le pessimisme. Pour que les politiciens
et tous les dirigeants en règle générale puissent élargir leur vision du
citoyen, il faudrait qu’ils se glissent dans sa peau pour être apte à saisir son
altérité. Pour prouver et contrer les intentions mauvaises des aliens (du virus),
les militaires (les politiciens) prennent fréquemment comme référence les
actions dysfonctionnelles d’une minorité d’hommes alors que celles de la
quasi-totalité de la majorité des hommes sont fonctionnelles.
Louise enlève sa combinaison et son masque
pour mieux aller à la rencontre des Heptapodes, elle prendra le risque de
respirer leur atmosphère et de s’abandonner totalement à leur volonté… et elle
est toujours vivante… Pour dialoguer, les politiciens (les militaires) devraient
briser les barrières qui nous séparent et accepter les risques que cela
comporte ; ôter leurs protections dans leur tour de Babel et faire le pari de
l’inconnu, supposer de l’altruisme chez l’autre, lui faire confiance, lui témoigner
de l’empathie, quand bien même ils n’en auraient jamais fait l’expérience…
L’épais manteau de brume qui enveloppe les ego devrait alors se dissiper.
L’intensité et le chaos des événements dans
le film (et actuellement) sont marqués par des informations anxiogènes, souvent
invérifiées, amplifiées et exagérées, aux sources de plus en plus nombreuses,
qui provoquent la panique en prenant possession de la planète. La réaction des
populations se forme sur le contenu des médias avant toute forme de réelles connaissances.
Le caractère contagieux de la peur a la vie belle ; l’affect des dirigeants et
des citoyens se trouve dénué de rationalité. L’humanité est son propre ennemi,
elle prête aux Heptapodes (virus) des intentions uniquement imaginées et
imaginaires qui altèrent la réalité.
Quand les Humains œuvreront-ils dans la
même direction ?
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